N. la maudite

La femme n’est plus toute jeune, et pourtant si midinette au fond d’elle, qu’elle attend toujours son Ken.

            Il est arrivé, l’homme, le vrai, viril Ken ! Hardeur insatiable, il défend des buts sur gazon, défonce l’écu des trahisons, pille des cités féminines avec leur sentiments, et il n’hésite pas, il blesse, meurtri, broie et ment… Il n’a cure de sa femme légitime et de sa peine.

            C’est rageant et rend fou d’observer tant de malheur à la suite de vives émotions générées par le corps en voulant nier absolument l’évidence de l’humeur.

            Avec force d’arguments et pléthore de séduction, elle a laissé l’erreur envahir l’échine de son cœur, et croire qu’elle pourrait sortir gagnante de cette équation. La vive flamme s’est embrasée par mégarde, et a laissé le pénétrant étalon biaiser sa garde. Elle n’a plus surveillé ses barrières, elle a rendu les armes, et pour la première fois, à 35 ans, la fougueuse dame a tourné un plan arrière.

            L’excitation s’est immiscée dans le doute, puis la douleur s’est mélangée inextricablement au plaisir, dans cette voie obscure et resserrée. Le cerveau s’est confondu en effusions de confusions, les séquences des sens se sont perdues dans l’impasse, les sensations ont été exacerbées…

            Ken a mangé l’emballage de sa poupée et recraché l’essentiel, l’essence d’elle.

            On peut se croire immuniser à un certain âge, mais les prédateurs sont vicieux, rusés, sournois et arrivent toujours à poser leur loi, du moment qu’on leur ouvre la porte, ils vous brisent les ailes.

            Si vous dites du mal du mâle, de son comportement, de sa lâcheté, de sa tromperie et de sa cruauté, l’amante vous mettra à l’amande ; elle le défendra coûte que coûte. Syndrome de Stockholm de l’amoureuse transie, kidnappée par un raz-de-marée émotionnel avalant toute raison, déclenché par ce joueur de foot.

            Aussi prompt et habile fut-il à l’empaler, aussi brutal également à ne plus lui parler.

            Elle n’a eu que… ce qu’elle méritait, vous diront les machistadors de la braguette. En d’autre temps on l’aurait lapidé, on devrait remettre ça au goût du jour sans être clément, vous diront les alliées de la jeune trompée, et de continuer, ça mènera les futures éventuelles à la baguette.

            Moi, j’ai tant de peine pour ce trio infernal voué à l’échec et au fracas.

            Elle reste sur le carreau de l’arbalète qu’elle a tiré. Abasourdie d’incompréhension, percluse de douleur, le cœur saignant, l’âme torturée, des débris d’affect éparpillés aux quatre coins de son être. Triste vocation de ce sentier.

            Même si la souffrance s’étire comme à l’infini, irréelle, et vous laisse groggy, les plaies ne sont pas éternelles.